Bérénice 34-44 d'Isabelle Stibbe

12:46 PM


1934. Malgré l’hostilité de ses parents, Bérénice, 15 ans, est admise au Conservatoire, dans la classe de Louis Jouvet. Sa vie est désormais rythmée par l'apprentissage des grands rôles du répertoire et par ses rencontres avec des acteurs de renom... Trois ans plus tard, elle entre à la Comédie-Française et prend le nom de Bérénice de Lignières. Rien ne peut entacher son bonheur, ni la montée du fascisme en Europe, ni les rivalités professionnelles ou amoureuses. Mais au tout début de l’Occupation, avant même la promulgation des lois raciales, la maison de Molière exclut les Juifs de sa troupe. Dénoncée par une lettre anonyme, Bérénice – son père est né dans un shtetl russe – est rattrapée par son passé. Sous les ors et velours de la Comédie-Française va se jouer un drame inédit, celui d'une actrice célèbre, prise au piège d'une impitoyable réalité. Un premier roman maîtrisé et captivant, lauréat de nombreux prix.
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C'est ma mère qui m'a incitée à lire ce livre qui reprend deux éléments que j'affectionne particulièrement : le théâtre et les récits sur la Seconde Guerre mondiale. Isabelle Stibbe mêle alors parfaitement récits et événements historiques. On suit le parcours de Bérénice depuis son entrée au Conservatoire jusqu'à l'Occupation.

L'auteur met en lumière l'illusion de certaines personnes - que les barbaries font partie du passé, que les Juifs sont en sécurité désormais - et dans le même temps le pessimiste des autres qui redoutent le pire. L'Histoire ne change pas, l'auteur la conserve bien telle quelle et nous projette sous le prisme de Bérénice.

Isabelle Stibbe mène donc une réflexion sur la place des arts lors de l'Occupation, leur censure, leur contrôle. On observe les réactions des artistes, ceux qui mettent leur liberté au-dessus de tout et qui fuient, ceux qui refusent de se plier aux lois de l'ennemi et quittent les instances contrôlées ou ceux pour la séparation avec leur art est trop dure pour qu'ils ne le fassent.

Bérénice est donc obligée de faire un choix, plongée dans l'omniprésence de l'Allemagne nazie dans la France occupée, elle qui avait depuis longtemps renoncée à ses racines juives pour réaliser son rêve et se vouer au théâtre.

Même si j'ai mis pas mal de temps pour achever la lecture, le livre m'a bien plu. Je ne dirais pas que c'est un coup de cœur mais je pense qu'il mérite largement ses nombreux prix. Pour ma part, c'est le premier livre que je vois retracer la Seconde Guerre mondiale du point de vue des arts, du théâtre mais aussi de la musique avec Nathan, le mari de Bérénice, ou la poésie avec leur ami, Alain Béron.

Isabelle Stibbe nous livre donc une belle histoire qui peut tout à fait faire échos à certains faits actuels (des pays en Europe qui se referment et érigent des barbelés pour fermer leur frontière, la montée de certains extrêmes et j'en passe) mais aussi qui la touche également personnellement, comme on le comprend à la fin de l'histoire.

En fait, je prendrais le livre comme une leçon. Rien n'est acquis, nos libertés, nos droits, et nos devoirs. Ils semblent acquis parce que l'on a toujours vécu avec, pour ma part, je suis née avec, je n'ai pas eu à me battre pour les obtenir, d'autres l'ont fait avant nous. Pour autant, nos acquis restent fragiles et tout peut basculer à un moment donc il est important de continuer de se battre quand certains semblent menacés.

Si vous aimez un tant soit peu le théâtre, je vous conseille ce livre, il est très agréable à lire et est très touchant. La fin me parait un peu précipitée par rapport à d'autres passages du livre plus longs, pourtant, je pense comprendre le choix d'Isabelle Stibbe qui a sûrement dû vouloir cette précipitation, ces événements inattendus qui s'enchaînent, comme cela devait réellement se passer pendant la guerre. Bérénice 34-44, c'est, dans une moindre mesure bien évidemment, également une tragédie, à l'image du Bérénice de Racine, avec toutefois, une Bérénice bien plus contemporaine qui souhaite s'affranchir des attentes que son entourage lui soumet. 

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